Des années qu’on nous promettait le Grand Soir, l’émergence de "nouveaux matériaux" plus verts, écologiques (sic), responsables (resic), voire même des produits conçus et fabriqués avec l’aide directe de la nature, décidément bien bonne avec nous (la vaste blague du bio-design). Ces avancées révolutionnaires devaient nous permettre de sortir de l’ornière par le haut, nous sauvez, nous pauvres humains, sur cette planète bien mal en point. Il faut dire que le discours était alléchant… Grâce à ces avancées, nous n’aurions pas à remettre en question le fonctionnement général de nos sociétés, une production toujours croissante, une consommation qui donc suivrait inexorablement le même chemin, puisque dorénavant nos usines ne seraient plus extractives et énergivores, elles produiraient, à partir de sous-produits et déchets, de nouveaux matériaux polyvalents, des biens, de la lumière, de l’énergie, assistées pour cela par des bactéries, levures, champignons, insectes et autres araignées, dans une symbiose idyllique avec l’ensemble du vivant…
Las! Aujourd’hui ces startups, portées par des investisseurs crédules car craignant avant tout de rater le bon train, tombent les unes après les autres. Dernière en date, et figure de proue du sus-nommé "bio-design", la société Bolt Thread (nous vous conseillons au passage sa prestation TedX, assez édifiante), faisait miroiter le lancement imminent d'un nouveau matériau qui changerait la face du monde (new material for a better world), le Mylo. Cet ersatz de cuir devait à terme avoir le même aspect, les mêmes caractéristiques, la même résistance dans le temps que le cuir, mais il serait fabriqué (sans cruauté) par simple culture du mycélium. Le discours incantatoire fut durant des années très bankable pour faire le buzz avec Stella Mc Cartney sur les podiums pour quelques happy few, pain béni aussi pour les sociétés du luxe qui pouvaient profiter d’un ramdam médiatique mondial en mettant en lumière un prototype de bracelet de montre ou des chaussures jetables (trop fragiles pour résister à la première intempérie). Mais cet été, Bolt Thread a jeté l’éponge pour le Mylo, la promesse n’est bien sûr pas tenue. Ce canada-dry de cuir ne pourra jamais rencontrer le vrai marché, les vraies contraintes, les vrais volumes, la vraie production. Au mieux, il aurait pu être une simple goutte d’eau dans un océan de production, de consommation et donc de déchets, une petite alternative anecdotique qui n'apporte aucune solution.
On ne peut espérer résoudre un problème systémique avec quelques solutions cosmétiques et une pincée de storytelling marketé, il serait temps d’en prendre conscience.