Pouvons-nous encore croire au progrès?

    J’écoutais un très bon podcast la semaine dernière ("Pouvons-nous encore être modernes?", revue ESPRIT) ou l’idée de progrès était débattue. Petite précision préliminaire, le concept de "modernité" doit ici s’entendre dans le sens donné par les philosophes des Lumières, avec ses trois piliers:  Une conviction, la portée émancipatrice de la connaissance. Un moyen, l’esprit critique. Et enfin un but, la liberté humaine.

    La question est d’importance, car si nous perdons confiance en un avenir qui, bon an mal an, irait vers le mieux, nous passons alors de la perspective du progrès vers l’imminence de la catastrophe, nettement moins réjouissante... Mais qu’entendons-nous exactement par "mieux", et par "progrès"?

    Si nous revenons à la genèse du concept de modernité, l’humanité, par sa soif de connaissances, son esprit critique et grâce à sa raison, doit progresser vers son émancipation de toutes les contingences, de toutes les dépendances. Depuis trois siècles, ce que nous entendons par progrès est porté principalement par l’économie de marché et plus globalement la logique capitaliste, principal moteur de la machine. Aujourd’hui, cela se traduit avant tout par une accumulation de biens. Plus de confort, plus de ressources, plus de production, plus de consommation, plus de puissance, plus de… beaucoup de "plus", mais un effacement du "mieux".

    Alors, le progrès se traduit-il par plus de liberté?

    Certes, la question peut paraitre bateau voire caricaturale, posée sans doute quinze fois au bac philo. Elle est aussi en partie indécente car formulée par quelqu’un qui n’a pas faim. Mais néanmoins il me semble nécessaire de la poser, car la modernité et l’idée de progrès sont nées dans l’exercice du doute méthodique, de la remise en cause permanente de réflexions, croyances, connaissances, sciences qui ne sont jamais acquises. Ces notions ne doivent pas aujourd’hui s'affranchir de cette introspection ontologique.

    Le progrès semble aujourd’hui en partie dévoyé par la logique de marché, par le profit, il nous échappe, voire nous aliène. Il a été un temps la promesse d’un avenir d’abondance, mais il nous faut aujourd’hui changer le moteur pour que le progrès redevienne la promesse d’un avenir de liberté, et même d'un avenir tout court.

    Le rapport avec matériO', me direz-vous? Mais il saute aux yeux, c’est même lumineux, que diable! Curiosité, ouverture d'esprit, indépendance, réflexion, raison, soif de connaissance, chouquettes, esprit critique, libre arbitre, doute méthodique (surtout sur la pertinence du port de mocassins)… c’est tout matériO', ça!

 

Quentin